Billet d'humeur

Billet d'humeur

 

Un homme débordant de joie

Du matin au soir nous sommes inondés de mauvaises nouvelles. Il y en a aussi de bonnes, heureusement. En voilà une et, circonstance curieuse, liée à des obsèques. Je viens de célébrer à St Esteben, les obsèques de Pierrot, un homme de 83 ans. (3 ans plus jeune que moi! Gare à moi!)

Il a laissé le souvenir d'un homme toujours joyeux qui n'aimait pas voir près de lui, des gens qui ne l'étaient pas. Ses fils racontent qu'enfants, étant au fenil, ils écoutaient leur papa chanter en dessous pendant quil trayait les vaches. Suivant le chant, ils savaient quand il était à la première et quand à la dernière. A table, au pré, à la vigne qu'il cultivait avec son cheval (les chevaux étant sa passion), à table, partout et toujours, il chantait. Il connaissait par coeur tous les couplets de ces anciens chants qui en avaient plus de vingt. Il en a composés lui-même. Qui ne l'a entendu à Irulegiko Irratia? Il a voulu que ses fils apprennent à jouer de l'accordéon (qui ne connait les frères Barhenne?) parce que la musique rend la vie plus gaie. Cela faisait 56 ans qu'il avait épousé Emilienne et ils étaient heureux. Comment ne pas être heureux auprès de quelqu'un qui déborde de joie?

Pourtant rien ne le prédestinait à cela. Troisième des cinq enfants d'une famille de métayers, sitôt l'école finie, et c'était à douze ans à l'époque, il est parti domestique pour deux bouchées de pain, sans congé payé ni week end : on ne connaissait pas cela dans le monde agricole de l'époque, car il faillait nourrir et traire les vaches tous les jours. C'est alors qu'il a fait la connaissance d'Emilienne. 
Entreprenant en même temps que joyeux, il a voulu acheter sa ferme, ce que presque tout le monde lui déconseillait : "Tu vas être criblé de dettes jusqu'à la mort." D'autres l'ont aidé. Il a donc emprunté... et tout rendu à la sueur de son front, des produits de la ferme Irtuitekoborda où l'on ignore ce qu'est une surface plate. Sans perdre sa joie de vivre.
C'était un fidèle de l'Eglise. Est-ce un hasard? Son bonheur n'avait-il pas la source dans le message de Jésus qui nous recommande de nous aimer les uns les autres, de donner sa vie pour ceux que nous aimons, d'avoir le souci des autres, de partager, etc... C'est ce qu'a prétendu le prêtre à la messe des funérailles

 

Abbé Xipri Arbelbide